Plusieurs mécanismes permettent actuellement de procéder à une transmission familiale d’une entreprise. Malgré la mise en place de ces mécanismes, la France, par comparaison aux pays européens voisins, est en retard concernant ces dispositifs du fait d’une fiscalité lourde.
Par une nouvelle proposition de loi, les députés visent à pérenniser, faciliter et encourager ces dispositifs. Pour se faire, le projet consiste à compléter ces derniers, plus précisément la transmission d’une entreprise par l’intermédiaire du pacte Dutreil ou encore par l’intermédiaire d’un fonds de pérennité.
Concernant le pacte Dutreil :
Selon l’article 787 B du Code Général des Impôts (CGI), en cas d’application de ce pacte, la transmission de l’entreprise sera exonérée à hauteur de 75%. Pour se faire, plusieurs conditions doivent être remplies :
1) Les parts ou actions transmises concernent une société exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
2) Ces titres doivent avoir fait l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de deux ans par le donateur ou le défunt. La portée de cet engagement varie en fonction de s’il s’agit de titres d’une société côtée ou non.
3) Les bénéficiaires des titres doivent s’engager à conserver les titres transmis pendant une période de quatre ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif de conservation des titres.
4) L’un des bénéficiaires de la transmission ayant pris un engagement individuel de conservation doit exercer dans la société, pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les trois années qui suivent la transmission, son activité principale ou une fonction dirigeante.
5) Enfin , ce dispositif n’est pas applicable dans le cadre d’une holding passive, par conséquent la holding doit être active.
La présente proposition de loi vise à modifier certaines de ces conditions afin d’améliorer le dispositif Dutreil.
Dans un premier temps, il sera désormais impossible de mettre en œuvre l’exonération de 75% dès lors que l’auteur de la transmission bénéficie de la jouissance du bien transmis. Si tel est le cas, alors l’exonération partielle ne s’appliquera pas à hauteur de la fraction de ces parts ou actions, que représente la valeur vénale desdits biens par rapport à celle de l’actif brut total de la société.
Concernant la dernière condition relative au caractère « actif » de la Holding, une nouvelle procédure de rescrit sera mise en place afin de pouvoir apprécier le caractère animateur de la Holding. Lorsque le contribuable rédigera une demande auprès de l’Administration Fiscale sur cette question, si aucune réponse n’est faite dans un délai de trois mois, alors l’accord sera tacite et la Holding sera considérée comme animatrice.
Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2025, il sera possible pour l’Etat de prendre en qualité de garantie la société faisant l’objet du pacte dès lors que le paiement des droits de donation est différé. En effet, le paiement des droits de mutation peut être différé pendant cinq ans et par la suite fractionné pendant 10 ans sous réserve que le bien, les parts ou encore les actions faisant l’objet de la mutation remplissent certaines conditions. Dès lors que ce paiement différé est sollicité, alors la société servira de garantie à l’Etat.
Enfin, un projet majeur porte sur la mise en place, dès le 1er janvier 2025, d’un nouveau Pacte Dutreil de « très long terme ». Ce nouveau pacte permettrait d’aligner le régime français sur le régime européen, en instaurant une durée de détention plus stricte et des abattements plus importants. Ce dispositif permettrait d’éviter les ventes d’entreprises françaises à l’étranger.
Ce nouveau pacte aurait pour conséquence de conserver l’exonération partielle d’un pacte Dutreil classique qui est de 75% et grâce à cette proposition il sera possible d’ajouter à cette exonération partielle une exonération supplémentaire à hauteur de 15% au titre des droits de mutation. Cette exonération supplémentaire de 15% sera soumise au respect de plusieurs conditions :
Ces conditions étant le maintien des conditions initiales de l’article 787 B du CGI, mais encore concernant les engagements de conservation pendant une durée de quatre ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif.
Toutefois, la deuxième condition pourra dans certains cas particuliers ne pas être respectée mais donner droit, malgré cela, à l’exonération partielle.
Concernant la transmission par l’intermédiaire d’un fonds de pérennité :
Des fonds de pérennité existent afin de détenir ou transmettre le capital d’une société. Ce fonds est constitué d’un apport gratuit et irrévocable des titres ou parts dans le capital d’une société exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole. Le fonds a pour mission de gérer ces titres ou parts à la suite de l’apport afin de contribuer à la pérennité de la société.
Afin de rendre plus accessible ce dispositif, la transmission de titres à un fonds de pérennité sera passible d’un droit fixe à hauteur de 125€ sous condition de conservation pendant 6 ans. Actuellement, l’apport de titres à un fonds de pérennité est soumis aux droits de mutation à titre gratuit au taux de 60%.
Article de Karine HEUDRON et Zoé DUHAMEL